01 septembre 2015

Quand le ministre Blais pense comme Lise Ravary et Éric Duhaime...

Si j'étais ministre de l'Éducation, je serais drôlement inquiet. En effet, ce matin, la pensée de M. Blais a rejoint étrangement celles d'une grande intellectuelle québécoise. J'ai nommé Lise Ravary.

Ainsi, devant la tenue de chaines humaines formées de parents et d'élèves devant 250 écoles du Québec, M. Blais a déclaré: «Ce qui me déçoit, c'est la question des enfants. C'est l'utilisation des enfants ce matin, pour tirer des slogans qu'ils ne comprennent pas, pour reproduire des demi-vérités qu'ils ne peuvent pas comprendre non plus. Les enfants ne devraient pas être mêlés à la politique, surtout quand ils ne la comprennent pas, dans un contexte où les plus petits vivent parfois de l'anxiété à rentrer à l'école.»

Si on comprend bien, M. Blais n'accepte pas que des parents partagent avec leurs enfants des valeurs sociales et politiques. À quel âge devraient-ils avoir le loisir de le faire? 18 ans? Et devrait-on cesser de parler d'écologie et d'environnement à l'école? Dans la même veine, le ministre peut-il être cohérent et immédiatement abolir les écoles religieuses où des parents endoctrinent des enfants à propos de religions qu'ils ne comprennent pas et qui véhiculent des valeurs parfois misogynes, homophobes et racistes? De plus, ces pauvres enfants ne pourraient-ils pas vivre de l'anxiété devant des notions comme le péché ou la crucifixion? Et puis, le ministre peut-il nous garantir que son gouvernement cessera de se servir des enfants et des élèves pour faire de belles photos pour illustrer les réalisations de sa formation politique? Les enfants ainsi instrumentalisés et souriants comprennent-ils, par exemple, toutes les subtilités des politiques scolaires?

Et que dire de la position similaire de Lise Ravary qui emprunte honteusement le titre d'un des plus grands textes d'Émile Zola - J'accuse! - pour pourfendre les méchants syndicats. Elle écrit:

«Une fois encore, les syndicats d'enseignants utilisent, manipulent des enfants à peine sortis des couches pour faire avancer leurs négociations avec l'État. Si cela ne vous révolte pas de voir des enfants de 5 ou 6 ans qui ânonnent des slogans que des enseignants leur ont mis dans la bouche en faisant une chaine humaine devant leur école, expliquez-moi votre point de vue.»

Tout d'abord, une précision s'impose. Ce mouvement de chaines humaines origine de parents. Ce sont très majoritairement des parents et des élèves qui ont fait ces chaines 30 minutes avant le début des classes. 
Donc, encore une fois ici, les parents ne peuvent pas partager des valeurs avec leurs enfants? J'ai hâte que Mme Ravary pourfende tout endoctrinement religieux, sous quelque forme que ce soit, avant que la personne concernée soit majeure et apte à faire ses propres choix.
Et que dire d'une position connexe adoptée cette fois-ci par le très grand intellectuel Éric Duhaime. Sur Facebook, le coloré animateur de radio de Québec déclarait:

«APPEL À TOUS: Certains profs portent des t-shirts avec des slogans syndicalistes pour la rentrée scolaire. J'aimerais ça que des enfants portent des t-shirts apolitiques pour riposter à cet endoctrinement de bas étage. Que devrait-on inscrire sur ces t-shirts? "Ne me prenez pas en otage!" ou "Je ne suis pas en négo" ou "Élève, pas syndicaliste" ou "Non à la propagande politique infantile" ou n'importe quelle autre suggestion est la bienvenue. Soyez imaginatif!»

Donc, ce qu'Éric Duhaime propose, c'est d'utiliser des enfants pour passer de messages politiques qu'ils ne sont pas nécessairement en mesure de comprendre afin de dénoncer des messages politiques qu'ils ne sont pas nécessairement en mesure de comprendre. On repassera pour la cohérence.

Monsieur Blais, si j'étais en si bonne compagnie intellectuelle, je m'inquiéterais. 


2 commentaires:

Anonyme a dit…

Votre analyse des déclarations du ministre est tout simplement savoureuse. Vous avez réussi à exprimer de façon très cohérente les raisons pour lesquelles l'argument d'"utiliser les enfants" n'en est pas un dans ce cas-ci puisque ce sont leurs propres parents qui font ce choix.

Si je peux me permettre une suggestion, vous devriez publier le contenu de ce billet dans les commentaires associés à un article sur la question (sur le site du Journal de Montréal). Ça rééquilibrerait peut-être les points de vue exprimés...

Anonyme a dit…

Bien vu et bien envoyé : ce qui sous-tend ces propos irresponsables et
indignes d'un ministre de l'Éducation, c'est que les parents ne doivent
surtout pas faire l'éducation politique ou sociale de leurs enfants et que
ceux-ci ne sont que des pantins serviles que l'école, et l'école seule,
peut éclairer, avec l'aval du ministre.

Dans un registre tout autre : je trouve votre police bien petite, mais
c'est peut-être ma vue qui baisse.