22 août 2014

Le sinistre de l'éducation (ajout)

Certains en doutaient mais, avec sa récente sortie sur la réduction des budgets consacrés aux bibliothèques scolaires, le ministre de l'Éducation, Yves Bolduc, vient de démontrer à quel point il occupe un poste qui le dépasse. À le regarder aller, on se demande s'il ne sera pas la pire catastrophe à survenir ces dix dernières années dans ce domaine.

Tout d'abord, resituons dans le temps les événements.

Mercredi, Le Devoir révélait que les commissions scolaires n'étaient plus obligées de consacrer des sommes précises à l'achat de livres pour les bibliothèques scolaires. Alors qu'autrefois, il s'agissait d'«enveloppes fermées», comme on dit en éducation, ce budget est fondu dans le budget général des CS. Elles peuvent le dépenser pour asphalter un stationnement, acheter un nouveau bureau au directeur-général. Comme l'écrivait ce journal: «le gouvernement s’était jusqu’ici engagé à offrir une enveloppe de 8,3 millions de dollars par année, en plus d’exiger aux commissions scolaires d’investir 6,7 millions de dollars pour regarnir les bibliothèques. Or, rien n’oblige désormais les commissions scolaires à utiliser leurs budgets pour l’achat de livres.»

Ce que Le Devoir ne révélait pas cependant, c'est deux choses. La première, c'est que l'embauche de bibliothécaires par les CS est gelé. Autant on nous a vanté l'importance de ces professionnels dans une école et pour le développement des habiletés en lecture, autant la «suspension» de cette mesure est passée inaperçue. La seconde, c'est que des budgets informatiques sont aussi gelés. Ainsi, à mon école, notre plan d'équipement sur deux ans est carrément mis sur la glace.

Toujours est-il que jeudi, le ministre Bolduc y allait de cette déclaration à propos des bibliothèques scolaires: « Il n’y a pas un enfant qui va mourir de ça et qui va s’empêcher de lire, parce qu’il existe déjà des livres [dans les bibliothèques] [...] J’aime mieux qu’elles achètent moins de livres. Nos bibliothèques sont déjà bien équipées. […] Va dans les écoles, des livres, il y en a, et en passant, les livres ont été achetés l’an passé, il y a 2 ans, ou 20 ans. »

 Manifestement, le ministre ne semble pas savoir qu'une bibliothèque scolaire doit proposer des livres récents aux jeunes si elle veut les attirer. Les livres d'il y a vingt ans ne font parfois pas toujours le poids devant les oeuvres des auteurs plus actuels. De même, une bibliothèque doit aussi réparer et racheter des livres parce que ceux-ci n'ont pas une durée de vie éternelle. Enfin, il existe des bibliothèques scolaires qui sont encore mal pourvues côté livres, contrairement à ce que le ministre affirme.

Quand à son argument qu'aucun jeune ne mourra à cause de cette mesure budgétaire, j'imagine qu'il utilisera le même argument niais quand on soulèvera que les activités parascolaires sportives sont aussi coupées, que des rénovations sont reportées et ainsi de suite.

De toute façon, rassurons tout de suite le ministre: personne ne meurt en éducation depuis des décennies, même quand le réseau est d'une incompétence notoire.

Ajout-----------------------

Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard a contredit les propos de son ministre de l'Éducation ce midi. Le même ministre a tenté de nuancer ses propos. Mais aucun des deux ne s'est engagé à remédier à cette situation.

J'ajoute ce texte du Devoir qui résume bien toute cette situation.

4 commentaires:

Chose qui travaille dans le local fleuri où qui fait chaud a dit…

Je n'en reviens pas de sa déclaration. S'il y a un endroit où les ressources devraient être actuelles et variées, c'est bien dans les bibliothèques scolaires...
Ignorer l'importance de la lecture dans l'éducation et le taux d'alphabétisme de la population, c'est n'importe quoi ce ministre.
En tout cas, à couper l'herbe sous le pied des enseignants et des autres acteurs scolaires, on s'assure un futur électorat, hein?

Le café est amer ce matin, désolé.

Unknown a dit…

Je suis complètement estomaqué par ce commentaire du ministre qui nous démontre son manque d'intérêt pour l'éducation et pour la culture. Qu'un ministre de l'éducation, qui s'exprime déjà dans un français plutôt pauvre, ose dire ceci: « Faire le choix de ne pas acheter de livres, ça peut donc être un choix acceptable des commissions scolaires » m'amène à me demander ce que cet homme fait à ce poste. Je travaille dans une région loin des grands centres où certaines bibliothèques scolaires sont plutôt démunies et je dois avouer qu'entendre notre ministre de l'éducation envoyer comme message aux administrateurs de commissions scolaires que couper dans les achats de livres peut être un choix légitime me révulse. Toute mon expérience en éducation me démontre que les adolescents sont beaucoup plus attirés par des livres récents que par de vieux livres. Si nous voulons faire lire nos jeunes, il importe de leur donner accès à choix de livres récents, variés et de qualité.

gillac a dit…

Je vous avais prévenu pour l'avoir vu "sévir" en santé. Comment un des pires ministres de la Santé , sans aucune réforme à son crédit (à part la procréation assistée et l'ajustement à la rémunération des médecins), a-t-il pu être nommé ministre de l'Éducation. ¨Ca doit être comme pour la fabrication de la saucisse, il y a des choses qu'il vaut mieux ne pas savoir.

unautreprof a dit…

Ces déclarations de Bolduc montrent bien sa pauvreté intellectuelle. Tu le dis bien, il est sinistre. Ses réponses aussi à l'industrie du livre quant au gros impact que ça aura, et Dieu sait que ce n'est pas une industrie qui roule sur l'or, - et je ne parle pas du méprisant Blaise Renaud - sont tout simplement déplorables!